L’indemnisation des troubles de l’élocution au titre du préjudice esthétique temporaire.
Aux termes d’un arrêt rendu le 24 septembre 2025, la Cour de Cassation a considéré que les troubles de l’élocution devaient être indemnisés au titre du préjudice esthétique temporaire. (Cass.Civ 1ère, 24 septembre 2025, 24-11.414)
Après la pose d’implants et de bridges, un patiente a présenté des troubles de l’élocution et de mastication pendant de nombreuses années jusqu’à la pose d’une nouvelle prothèse. Dans le cadre de la procédure en responsabilité initiée à l’égard du professionnel de santé, elle sollicitait une indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire ; demande rejetée par la Cour d’Appel de Rennes au motif que ces troubles étaient constitutifs d’une gêne fonctionnelle et non d’un préjudice esthétique.
La Cour de Cassation rejette cette analyse en rappelant que :
« Il résulte de ce texte et de ce principe que le préjudice esthétique temporaire peut inclure des troubles de l’élocution contraignant la victime à se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, même si ces troubles caractérisent aussi une gêne fonctionnelle. »
La nomenclature Dintilhac consacre expressément, à titre de poste distinct, le chef de préjudice esthétique temporaire, caractérisé par l’existence d’une altération de l’apparence de la victime avant la date de la consolidation de son état de santé. Le préjudice esthétique constitue une atteinte à l’image ; celle que la victime perçoit d’elle-même mais aussi celle qu’elle renvoie aux autres.
La jurisprudence rappelle régulièrement l’autonomie de ce poste de préjudice qui ne saurait être inclut dans le poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire. (Cass.Civ.2ème 04.02.2016 n°10-23.378) ou des souffrances endurées avant consolidation (Civ. 2e, 3 juin 2010, n° 09-15.730).
Mais cette atteinte doit être entendue dans un sens très large sans la limiter aux altérations de l’apparence physique stricto sensu et aux atteintes esthétiques les plus graves. La jurisprudence intègre, en effet, toutes formes d’atteintes esthétiques au sein de ce poste de préjudice : plaies, cicatrices, brûlures, hématomes, paralysies, altération de l’apparence générale ou particulière, notamment en cas de trouble de la démarche ou de modification de la voix.
La solution apportée par cet arrêt confirme que le préjudice esthétique temporaire concerne toutes les altérations perceptibles par les sens, depuis le fait dommageable jusqu’à sa consolidation : la vue, l’odorat, le toucher ou, comme en l’espèce, l’ouïe, à raison des troubles d’élocution et de phonation de la victime.
Dans le même sens, la Cour de Cassation avait déjà admis « qu’un bégaiement constaté médicalement avant la date de consolidation » devait être indemnisé au titre du préjudice esthétique temporaire (Cass.Civ. 2e, 22 nov. 2012, n° 11-25.661).


